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Routes électriques : une solution de niche pour les espaces restreints ?

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L'idée de prendre la route sans jamais devoir ravitailler votre véhicule est certainement séduisante. Et c'est exactement ce que les routes électriques prétendent proposer. Les véhicules étant rechargés pendant qu'ils roulent, les partisans des autoroutes électriques affirment que la technologie permet de recharger plus rapidement et de rouler plus longtemps. Mais les routes électriques offrent-elles vraiment ce qu'elles annoncent ? Ou sont-elles une solution de niche pour des espaces restreints ?

Qu'est-ce qu'une route électrique ?

Une route électrique, e-route, autoroute électrique ou système de route électrique (ERS) est un système qui permet le transfert d'énergie entre un véhicule et la route sur laquelle il circule. Les routes électriques sont classées en trois catégories en fonction du mode de recharge :

  • Conduction aérienne : avec ce type de recharge, l'énergie est transférée en continu des lignes aériennes au véhicule par l'intermédiaire d'un pantographe. La recharge par conduction aérienne convient surtout aux poids lourds, aux autobus et aux autocars suffisamment hauts pour atteindre les lignes électriques. Elle fonctionne également mieux avec les véhicules qui circulent sur un trajet prédéfini, afin qu'ils puissent rester raccordés en permanence aux lignes électriques.
  • Transfert d'énergie par conduction depuis la route : Cette technologie est similaire à la conduction aérienne, mais au lieu d'un pantographe, l'énergie est transférée au véhicule par des rails encastrés dans ou sur la chaussée. Cette technologie comprend un bras mécanique intégré qui se connecte à l'alimentation électrique.
  • Transfert d'énergie par induction depuis la route : le transfert d'énergie s'effectue entre des bobines intégrées dans la route et les bobines du véhicule, sans aucun câble. L'électricité du réseau est convertie en courant alternatif à haute fréquence pour créer un champ magnétique qui est ensuite transmis aux bobines sous le véhicule pour produire une tension.

Lorsqu'une voiture ou un poids lourd circule sur une route équipée de l'une de ces technologies, l'énergie passe directement dans le système de propulsion ou est utilisée pour recharger les batteries embarquées. Mais une fois que le véhicule circule sur une route normale, il bascule sur un moteur électrique, hybride ou à combustion.

L'utilisation des routes électriques est assez limitée actuellement, même si quelques projets pilotes sont menés en collaboration avec des constructeurs automobiles, des instituts de recherche, des gouvernements et des entreprises du secteur énergétique. Un projet de ce type est en cours à Lund, en Suède, tandis qu'en Italie, le gouvernement prévoit de mettre en service une autoroute électrique de 6 kilomètres au nord du pays. En Californie, un projet de démonstration est mené près des ports de Los Angeles et de Long Beach.
 

Routes électriques : peser le pour et le contre

Les routes électriques sont intéressantes car elles proposent une alternative plus propre au moteur à combustion, en particulier si l'énergie utilisée provient d'une source renouvelable comme le vent ou le soleil. Dans le cas de la recharge par conduction, les routes électriques sont également efficaces. À titre d'exemple, l'entreprise Elways AB a signalé une efficacité comprise entre 85 et 95 % pour une solution de conduction segmentée destinée aux voitures et aux poids lourds, actuellement testée dans le cadre du projet eRoadArlanda.

Mais les avantages des systèmes de routes électriques se résument à cela. Si la quasi-totalité des alternatives au Diesel sont loin d'être généralisées, un grand nombre d'entre elles sont allées beaucoup plus loin que l'ERS. Aujourd'hui, les données réelles ne sont pas assez nombreuses pour étayer sa fiabilité et, à l'exception du pantographe (qui a 100 ans), tous les autres types de recharge sont des technologies récentes et immatures.

Les autoroutes électriques sont également coûteuses : l'installation de l'infrastructure de recharge implique des investissements considérables dans le tracé des routes ainsi que l'installation et l'entretien de lignes électriques. Elles peuvent également entraîner des perturbations prolongées de la circulation pendant la modernisation des infrastructures. Une étude estime que l'installation d'un système à induction dynamique prendrait 3 semaines pour 100 mètres, contre 1 mois pour 10 kilomètres dans le cas d'un système à conduction aérienne. Les perturbations pourraient être réduites si la construction de l'ERS coïncidait avec les travaux de maintenance planifiés, mais cela limiterait considérablement la vitesse de déploiement de la technologie.

La complexité de l'ERS implique également la coopération de nombreux acteurs, dont les gouvernements, les communes, les fournisseurs d'électricité et les sociétés de transport. Une collaboration transfrontalière serait également nécessaire dans des lieux tels que l'UE, où les véhicules qui traversent des régions devraient être adaptés à la même technologie pour pouvoir circuler sur les routes. Des normes de recharge permettant à n'importe quel type de véhicule d'emprunter les routes électriques sont en cours d'élaboration.
 

Les VE peuvent-ils avoir une utilité dans ce cadre ?

L'un des principaux arguments en faveur des routes électriques est le rôle qu'elles pourraient jouer pour réduire l'anxiété liée à l'autonomie lors de l'utilisation d'un véhicule électrique. Dans cet esprit, les VE pourraient parcourir de plus longues distances et utiliser de plus petites batteries si les routes électriques étaient utilisées pour transférer l'énergie directement vers la propulsion du véhicule ou pour recharger la batterie embarquée. Cette solution semble pratique, mais ne résiste pas à un examen plus détaillé.

Le premier défi est l'interopérabilité, ce qui signifie qu'un système de routes électriques doit pouvoir fournir de l'énergie à n'importe quel type de véhicule. Actuellement, il n'existe aucune norme ou architecture de système pour le transfert de l'énergie du réseau électrique à l'ERS sur plusieurs véhicules. Le deuxième défi vient des améliorations de l'autonomie des batteries des véhicules électriques, qui pourraient rapidement rendre la recharge par ERS inutile. En effet, aujourd'hui, un véhicule électrique entièrement chargé peut parcourir 300 kilomètres, ce qui représente environ 40 % de l'ensemble des activités de transport dans l'UE. Cette autonomie devrait s'améliorer dans un avenir proche grâce aux améliorations apportées aux batteries lithium-ion, à la découverte de nouveaux matériaux pour les cellules, à de meilleurs systèmes de gestion des batteries et aux technologies de refroidissement. De grands espoirs sont également placés sur les batteries solides, qui pourraient augmenter l'autonomie jusqu'à 1 600 kilomètres sur une seule recharge.  

Le troisième défi concerne les systèmes de recharge statiques ou enfichables, qui sont les seuls à disposer de normes mondiales établies et d'une technologie éprouvée. Les stations de recharge enfichables sont de plus en plus nombreuses : en 2019, on comptait plus de 170 000 stations de recharge en Europe et plus de 68 000 aux États-Unis. Bien que la plupart de ces infrastructures soient destinées aux voitures, il est important de noter que la technologie Combined Charging System (CSS) des postes de recharge peut être utilisée pour les voitures et les poids lourds. Un consortium de constructeurs de poids lourds collabore déjà pour augmenter la capacité de recharge du système CSS de 1 à 3 mégawatts afin que l'infrastructure existante puisse prendre en charge les véhicules industriels. Les gouvernements du monde entier développent également des projets d'extension des réseaux et de normalisation de la technologie de recharge CSS. Les directives des gouvernements ne sont pas aussi claires concernant l'ERS.

Enfin, l'utilisation des routes pour recharger les VE semble improbable au vu de l'essor d'autres solutions telles que les piles à combustible à hydrogène. L'hydrogène a suscité un énorme engouement, notamment dans le domaine des transports exigeants et longue distance, où il peut être utilisé comme prolongateur d'autonomie pour les véhicules électriques. L'hydrogène présente de nombreux avantages, tels qu'un processus de ravitaillement court et aisé ainsi qu'une densité énergétique élevée. Avec seulement 80 kg d'hydrogène, un véhicule peut parcourir jusqu'à 800 kilomètres ! Cela serait suffisant dans la plupart des opérations de transport longue distance et avec une infrastructure de ravitaillement en hydrogène suffisante, il ne serait pas nécessaire de recharger le véhicule en conduisant.
 

Cas d'utilisation potentiels

Tout cela signifie-t-il que la route électrique n'a pas sa place dans le transport du futur ? Pas tout à fait. L'ERS peut avoir de bons arguments sur des itinéraires spécifiques ou des systèmes fermés dans des espaces restreints, où l'électrification des routes et l'utilisation de poids lourds seraient une bonne alternative. Elle pourrait également constituer une solution adaptée aux poids lourds autonomes effectuant des opérations de transport de plateforme à plateforme.
 

Zoom sur les carburants alternatifs

Au vu de tous les défis qui accompagnent l'ERS, je pense que le secteur devrait envisager des options plus réalistes, telles que l'électromobilité, l'hydrogène, le bio-GNL et certains biocarburants tels que la HVO pour décarboner les transports. Pour aider les transporteurs routiers à mieux comprendre les carburants alternatifs, j'ai élaboré un guide qui présente les avantages et les inconvénients de chaque source de carburant. Ce guide comprend également une liste de contrôle comprenant tous les éléments que les propriétaires devraient prendre en compte avant d'investir dans un véhicule doté d'une chaîne cinématique alternative.

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